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Revue en ligne du

Auteurs maison

Jean-Marie Gourio
Boire ou grandir ?

J'ai grandi jusqu'à ce que mon coude arrive sur le comptoir

J'ai grandi jusqu'à ce que ma tête crève le plafond

J'ai grandi jusqu'à ce que mon coude arrive sur la montagne

J'ai grandi jusqu'à ce que ma tête crève le ciel

J'ai grandi jusqu'à ce que mon coude se pose sur les étoiles

J'ai grandi jusqu'à ce que ma tête crève l'enfer

J'ai grandi jusqu'à poser mon coude sur l'Univers

Et là, j'ai rien pu boire, l'Univers est fermé !

J'ai rapetissé jusqu'à l'enfer, jusqu'à la terre, jusqu'à chez Paul

J'ai pris une bière

A quoi tu penses ? a demandé Paul.

Je pense qu'on est mieux là.


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 Auteurs maison 
Le 03/02/2012
Mister President
Vol Paris Atlanta du 14 janvier. De loin, un vieil homme qui remonte l’allée en serrant quelques mains.  De près, c’est Jimmy Carter.  Il a manifestement décidé de serrer toutes les pognes de l’Airbus avant le décollage. Devant lui,  le body guard,  avec un fil qui tournicote derrière l’oreille.  Derrière,  la collaboratrice prête à prendre note.  S’il n’a plus droit à Air Force One,  il n’a pas tout perdu de la panoplie du puissant. Mon voisin français ne le reconnaît pas,  mais sort l’appareil photo.  De jeunes américaines  de retour d’un voyage scolaire, gloussent des « Jimmy » très hauts perchés.   Elles n'étaient même pas nées quand il officiait à la Maison Blanche,  mais nom et fonction ont circulé très vite,  nimbés de paillettes américaines et donc quasi hollywoodiennes.  Tous les rangs ont défait leurs ceintures de sécurité et dégainé le numérique.  Mon voisin toujours : « C’est pas un ancien président français qui ferait ça. Ils sont trop hautains chez nous ».   Il a la naïveté de croire que le 39ème président des Etats Unis tient à le saluer.  Quand il arrive à notre hauteur,  sa poignée de main est mécanique, son sourire aussi,  et son regard semble ne pas nous voir,  tourné vers un passé lointain. Jimmy Carter,  juste avant de décoller,  fait campagne contre l’oubli.   
 
 Auteurs maison 
Le 22/12/2011
De qui se moque-t-on ?
6. Le froid
Le froid est une sensation désagréable. Vous en pensez ce que vous voulez, mais moi je n’y suis pas favorable. Intellectuellement, d’abord, je n’en vois pas la nécessité et, physiquement aussi, je dis non. C’est bien simple, tout mon corps se rétracte avant même d’en éprouver la sensation, à cette seule idée. Ma peau glabre se hérisse comme le poil d’un chat livré aux chiens. Mon sexe se replie, se recroqueville, quasiment s’invagine dans une tentative désespérée de trouver en lui-même la volupté dans ce monde hostile. Chose certaine, il ne se dressera pas, ne se tendra pas, ne pointera nulle direction qui serait encore celle d’un pôle, il ne veut rien avoir à faire avec le froid, ni briser la glace ni fendre du bois pour le feu. Le froid est un bien lamentable phénomène. Nous voici à claquer des dents comme pour mettre en pièces un gibier – et pourtant, quel maigre repas de squelette ! Nos lèvres bleuissent. La mort a posé son doigt sur elles. Nos mains gourdes ont renoncé aux caresses, à la musique, aux délicats travaux de couture ou d’écriture. Oui, nous pouvons encore assommer un phoque avec ces battoirs, et c’est à peu près tout. Nous nous couvrons. Nous sommes les prédateurs impitoyables du mouton. Nous le guettons depuis de hautes branches et nous lui tombons dessus avec une sauvagerie qui l’incline à préférer la compagnie du loup. Nous revêtons ses défroques ; jusqu’à ses pattes grêles qui nous fournissent inexplicablement deux paires de chaussettes épaisses. En grattant entre ses oreilles son crâne lisse et ras avec nos ongles, nous lui arrachons même un pompon pour notre bonnet. Peine perdue. Le froid s’infiltre sous ces lainages comme une lame. À son tour, il nous tond, il nous écorche vifs. À notre tour, nous ne savons que bêler dans le phylactère de buée attaché à nos lèvres. Quant au rhume, il nous pend au nez. La morve goutte à nos canalisations gelées. Transis jusqu’aux moelles, grelottant, nous n’éprouvons plus rien, aucune des sensations fines qui nous distinguent de la bûche ; à l’instar de celle-ci, d’ailleurs, nous rêvons aux flammes qui nous rendraient nos couleurs et notre esprit crépitant. Nous sympathisons avec les chenets à tête de sphinx ; immobiles et taciturnes, ils sont nos plus joyeux lurons et francs camarades. Alors que faire ? Je ne vois qu’une solution : chauffons ! Chauffons, mes amis, brûlons tout ! Ce monde inflammable ne demande qu’à s’embraser. Croyez-vous donc que la fine allumette qui ravage la forêt – première pousse de l’incendie qui sera le futur jardin d’Eden – laissera de bois nos charpentes, qu’elle laissera de marbre la banquise ? Puis nous irons sur les neiges fondues, sur les braises ardentes, sur les cendres moelleuses, dans un hammam aux dimensions du monde, attendris jusqu’à la pâmoison par la douceur nouvelle des choses.
 
 Auteurs maison 
Le 25/08/2012
 
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