Une amie de Madame Riche prétend que les pauvres ne sont pas faits comme nous. Elle pense que leur organisme est plus rudimentaire et moins sophistiqué que celui des riches. Comme il est plus simple, il est plus résistant. Pour cette raison, on peut confier au pauvre les travaux les pus pénibles.
Elle pense que le pauvre est réduit au strict minimum. Il n'a ni rate, ni pancréas, ni vésicule biliaire, organes de luxe un peu superflus, dont il n'a pas l'usage. Il a seulement un foie et un estomac.
Elle sait qu'il a un foie parce qu'il a souvent une cirrhose du foie.
Au lieu d'avoir un estomac délicat, tapissé de fines membranes et irrigué de sucs gastriques, comme le sien, le pauvre a simplement un gésier, sorte de petit broyeur capable de digérer n'importe quoi, même des cailloux. La preuve, il manque n'importe quoi et n'en meurt pas.
Au lieu d'avoir deux intestins comme le riche, le pauvre n'en aurait qu'un, ni grêle, ni gros, un moyen. Ce qui expliquerait que Madame Riche a des flatulences alors que Madame Pauvre pète.
Pour faire ses besoins, au lieu d'avoir comme le riche, deux trous, l'un pour les liquides, l'autre pour les solides, elle pense que le pauvre n'en aurait qu'un, pour tout, comme les oiseaux.
Elle sait que le pauvre a des poumons. Ils ne sont pas roses comme ceux des riches, ils sont noirs comme ses idées.
Dernièrement, elle a découvert que le pauvre a seulement une moelle épinière et pas de cerveau. Elle l'a confié récemment à Madame Riche :
« Sérieusement, croyez-vous que s'il avait un cerveau, il serait pauvre ? »