Hubert, chien de cirque
Le mois dernier, j’ai revu mon
cousin Hubert. Je lui trouvé l’air éteint. Comme nous nous aimons bien, il
s’est un peu confié. — En janvier dernier, figure-toi, j’ai ouvert un blog,
comme tout le monde. Ça distrait. Trop. Je me suis enflammé pour l’auteur du
premier commentaire aimable, une jeune parisienne, à ce que j’ai compris.
Et me voilà parti à lui composer des poèmes, à faire des cabrioles, à inventer
des tours, à la suivre à la trace sur tous les chemins virtuels possibles.
Ah ! Le succès que j’ai eu, c’est peu dire qu’il ne fut même pas d’estime.
Alors j’ai fermé mon maudit blog. Pour en ouvrir un second, puis un troisième
qui lui était spécialement dédié. Et plus j’implorais un regard, une minute
d’attention, plus les coups de pied pleuvaient. Enfin j’exagère, mais elle ne
venait plus jamais me lire. La nuit, je dormais sur le paillasson de son blog à
elle, sans oser y entrer. Le jour, je mettais au point pour le mien de nouveaux
numéros qui auraient pu enfin l’attirer et lui plaire. Niet. Les compliments,
les petits mots pleins d’esprit étaient toujours pour les autres. Je dépérissais.
Puis, bizarrement, mon visage changeait un peu, mes oreilles aussi, et je me
suis mis à manger beaucoup de viande, moi qui avant la détestais. Quand plus
personne n’a reconnu ma voix au téléphone, j’ai compris qu’il fallait vraiment
faire quelque chose. J’ai voulu supprimer mon compte, mais on m’a répondu qu’il
n’existait pas, qu’il n’avait jamais existé.