La parole politique ne connait pas la honte et encore moins la musique. Sait–il seulement ce Luc Ferry, ancien ministre de l’éducation nationale qui enrôle de force Mozart contre les tambourins, ce que l'on doit au bruit des tam-tam à Congo square à la Nouvelle Orléans ? C’était le dimanche après midi, aux toutes premières années du 19ème siècle, les esclaves avaient du temps libre, ils se rassemblaient sur la place où on les avait vendus, ils chantaient et dansaient, se réparaient l’âme et le corps, ondulaient avec leurs souvenirs. Leurs danses s’appelaient la Calinda, le Congo, la Bamboula. Bientôt ils furent un demi millier sur la place chaque dimanche, tout le quartier vibrait par la grâce d’une musique unique au monde, mêlant le tam tam endiablé, les lamentations du banjo, et la magie d'un saxophone qui semblait naitre à la vie. Introduit dans la région par les troupes coloniales françaises, il souffrait, pauvre saxophone, sous les doigts de blancs bec qui ne connaissaient rien d'autre que la fanfare militaire. Les esclaves eurent vite fait de le récupérer, alors comme dans une alchimie amoureuse, le sax offrit tout ce qu'il avait dans le ventre à leurs sanglots d'hommes noirs. Congo Square a aujourd’hui sa pancarte au milieu d’un vaste parc appelé Louis Armstong. C’est là que s’annonçait le jazz. Tout a commencé par des tam-tam et la rage d’hommes enchainés par notre grande et belle civilisation.