Occupons les îles Caïmans !
Econotrucs #1
Le
mouvement « occupons wall
street » a choisi un lieu symbolique pour exprimer sa colère, mais les îles
Caïmans ou les Bahamas auraient été des endroits tout aussi appropriés. En
effet, on ne doit pas oublier deux caractéristiques du système financier actuel
: d’une part il est mondial, et d’autre
part, il porte en lui une part d’ombre, incarnée par la « finance fantôme » .
Le
premier point n’étonnera personne : la finance s’est mondialisée encore plus
vite que les autres secteurs de l‘économie, et l’on a compris depuis le début
de la crise (à l’été 2007) que le défaut d’un petit courtier immobilier américain
pouvait entraîner la faillite d’une PME allemande, ou d’une municipalité norvégienne.
L’autre
point important c’est qu’une très large partie des produits financiers échangés
- en particulier les dérivés de crédits qui ont servi de déclencheur à la crise actuelle - le sont de gré à gré, c’est-à-dire
sans passer par les bourses et les chambres de compensation. Comme lorsque vous
achetez une voiture d’occasion à un particulier : vous avez toujours peur que le contrôle
technique (la notation donné par l‘agence) soit bidon. Sauf qu’ici, la
voiture, vous ne roulez pas avec, vous la revendez le lendemain.
L’intérêt
d’une bourse, c’est qu’elle fixe des règles, permet de sécuriser les échanges,
de réduire le risque de contrepartie. Surtout elle permet aux régulateurs d’avoir
une vision du marché. La finance fantôme, elle, échappe à peu près à
tout contrôle, elle est absente des écrans radars : elle ne fait jamais
directement appel public à l’épargne, et est presque toujours localisée dans
des paradis fiscaux, ce qu’il ne l’empêche d’avoir inventé des produits
financiers toxiques dont l’usage s’est généralisé.
A
l’inverse, les grandes banques commerciales auront beau jeu de rappeler qu’elles
sont transparentes et extrêmement régulées,
et même que c’est en raison de cette régulation que tout un tas d’institutions
financières plus petites peuvent prospérer dans l’ombre. En réalité, les hedge
funds, fonds d’investissement spéciaux, et autres officines de l’ombre sont
soit financées par les banques, soit carrément montées par elles. Quand ce n'est pas par les compagnies d’assurances : AIG, le plus gros assureur mondial, a
fait faillite en 2008 (puis a été sauvé par le gouvernement américain) à cause
d’un de ses petits bureaux londoniens. Quelques petits génies avaient transformé
une filiale du groupe en hedge fund tout aussi risqué que les autres, mais qui
bénéficiait de la signature du mastodonte de l’assurance.
Le
système financier est bien une hydre à mille têtes, il n’est pas concentré dans
quelques tours de Wall Street : hypertrophiée, la finance est en tout et
partout. Mais contrairement aux apparences, lorsqu’elle ne se fait pas trop
fantomatique, elle est utile. Et
comme je sais que vous ne me croyez pas, je reviendrai bientôt là-dessus.