Quelqu'un comme moi
– Je
voudrais te parler d'un fantasme. D'un de mes
fantasmes. Je voudrais me battre contre toi. A mort.
Je sais
bien que c'est impossible. Que quelqu'un comme moi... Jamais n’aura sa chance.
Pourtant, te défier... T'affronter. Rien qu'une fois, une seule...
J'en rêve
toutes les nuits.
Tu crois
que quelqu'un comme moi ne rêve pas. Lorsque tu me vois, bien sûr, je suis
toujours debout, l'arme à la main. Les yeux grands ouverts, pour chercher la
faille chez l'ennemi. Et le moment de l'attaquer.
Tu ne te
demandes jamais ce que je deviens lorsque tu ne me vois pas ? Peut-être que je
dors. Peut-être que je rêve. Que je rêve de me battre avec toi. De te
massacrer.
Toi, tu te
caches. Derrière cet écran. Moi aussi, je peux te voir. Mais c'est toi qui peux
cliquer. C'est toi qui tiens la souris dans la main.
Et tu me forces à me battre. Ça dure depuis
des mois. Les premiers temps, à cause de ta maladresse, je perdais tous mes
combats. Ça
signifie que je mourais à chaque fois.
Un
temps.
– Très tôt, dans les débuts. Même pas le temps d'avoir peur.
D'avoir
mal.
Tout ça,
c'est venu plus tard. A force d'entraînement, tu as réussi à ne plus me faire perdre
trop vite. C'est là que j'ai connu les sales blessures, celles qui ne te tuent
pas...
J'ai vu
couler mon sang. Tu trouves sans doute que la couleur rouge passe bien, sur ton
ordinateur...
Et j'ai vu
couler le sang des autres. Grâce à toi, je suis devenu le meilleur. C'est moi
qui blesse, maintenant. Moi qui tue.
Sais-tu
combien sont morts par ma main ? A combien j'ai arraché un bras ou une jambe...
Combien j'ai décapité... Combien de hurlements de souffrance
j'ai
provoqués ?
Ils
m'empêcheraient de dormir si quelqu'un comme moi pouvait dormir. Je n'ai pas
dit que quelqu'un comme moi ne pouvait pas rêver. Mais toi, les cris, tu t'en
fous. Tu ne les entends pas, tu as choisi la version muette pour pouvoir écouter ta techno. Le guide du
jeu parle du réalisme des sons. Qui te gêne, sans doute.
Je ne sais
pas ce qui se passe, dans ton existence... Dans ton monde. Qui te pousse, tous
les jours, à m'envoyer me battre. Aujourd'hui, après le mousquetaire et le
samouraï, tu as voulu que j'affronte le gladiateur.
Je
voudrais te voir en face de lui. Il a beaucoup de chance. Pas seulement parce
qu'il possède un bouclier, lui. Mais parce qu'on le libère s'il gagne. Encore
un rêve.
Mais
celui-ci deviendra réel. Il m'est impossible de traverser l'écran pour en finir
avec toi. Le programme ne le permet pas. Dans ton monde, quelqu'un comme moi
n'existe pas.
Mais ici,
c'est différent. Il me reste une solution. Tu sais, il y a longtemps que je
combats pour toi. Les autres guerriers,
les autres acteurs de ton théâtre... Je les connais bien, maintenant.
L'un
d'entre eux m'a donné la solution que j'attendais.
Le
samouraï.
Ave,
Cesar. Morituri, tout ça...