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Le 15/07/2015
Le puma Blanc

Le puma blanc est un animal exceptionnel. Agile, puissant, rapide, il est surtout doué des sens les plus affutés du règne animal.
Une ouïe incomparable, capable d’entendre une feuille morte tomber à 3 kilomètres à la ronde ; une vue hors du commun, pouvant distinguer une feuille morte dans la frondaison d’un arbre situé à 6 kilomètres de distance ; un odorat surréel, lui permettant de sentir une feuille morte portée par le vent à plusieurs centaines de kilomètres de sa position. Son sens du toucher est lui aussi hors du commun : les coussinets délicats de ses pattes lui permettent de se mouvoir sur un parterre de feuilles mortes sans produire aucun son.
 
Et pourtant, le puma blanc est menacé ; on ne compte plus les prédateurs naturels dont il a hérité au cours de l’évolution de son espèce. Aveugle, hermétique, autiste même, lorsqu’il est confronté aux autres animaux de son milieu naturel, le puma blanc est totalement inapte à la survie à cause de son obsession pour les feuilles mortes.
 
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Le 04/06/2015
Le jeu le plus long
« Venez voir, j’ai trouvé quelque chose ! » L’urgence dans la voix de Christophe nous fit oublier instantanément nos jeux d’Indiens ; nous laissons tomber nos fougères, arcs de fortune, pour rejoindre notre camarade immobile, penché au-dessus d’une crevasse, dans cette partie de la forêt encore vierge de nos aventures. Lorsque nous vîmes ce qu’avait découvert Christophe, un silence terrifiant pétrifia nos petites personnes. Au fond du ravin, parmi la mousse et les orties, le corps d’un homme, inanimé. De son long bâton, autrefois un fusil, Jérémi toucha la dépouille. À notre surprise, l’homme n’était pas mort, et fut réveillé par ce contact timide. Nous ne bougions toujours pas, tétanisés — curieux aussi. « Que... qu’est-ce que je fous là, demanda le ressuscité, hagard ? »
Il nous regarda un à un, se redressant difficilement sur ses coudes, les membres crissants enserrés dans ses habits en charpie.
« Vous êtes qui, les gosses ?
— Des Indiens, répondit Christophe, qui n’était visiblement pas sorti de son rôle. Je suis le grand chef sioux... Et Jérémi est un guerrier d’une tribu adverse.
— Des Indiens, hein, réfléchit l’homme... Et les cow-boys ? Qui joue les cow-boys ?
— Personne, expliqua Christophe. On n’aime pas les cow-boys. On est tous des Indiens.
— Mais des Indiens qui se font la guerre, précise Louis.
— Et toi, qui tu es, demandais-je à l’homme ?
— Eh bien... Un cow-boy, je suppose... Il en faut bien un. » D’un geste sûr et maîtrisé, il extirpa de son holster invisible deux doigts vengeurs et « pan, pan, pan, pan », nous abattit un par un, sans que nous ayons eu le temps de bander nos arcs ou brandir nos tomahawks. Il souffla satisfait la fumée de son index, et tourna les talons, tandis que nos corps troués dévalaient dans des râles de souffrance les versants du ravin duquel nous l’avions réveillé. Et c’est à ce moment-là que nous nous retrouvâmes confrontés à la question de la mort. À quel moment, exactement, est-il toléré d’arrêter de jouer au mort ?
De se lever... et d’enfin reprendre le cours normal de sa vie ?
N’est-il pas raisonnable de rester immobile quelques minutes au moins, pour reconnaître, et rendre digne, l’acte de bravoure de celui qui nous exécute ? Ou bien l’étiquette exige-t-elle de feindre la mort pendant plus longtemps, bien plus longtemps, sans quoi le jeu de la vie et de la mort ne serait qu’une série de conflits arbitraires et sans issue satisfaisante ? Ces questions nous taraudèrent bien des nuits — des nuits qui se transformèrent en semaines, puis en années, et nous restions là, inanimés au fond de ce petit ravin, des acteurs de marbre enfermés dans le dilemme insoluble du jeu et du réel, de la mascarade et de la vérité. Nos trois corps poussaient, étouffés petit à petit par les vêtements infantiles dans lesquels ils avaient chu. Jusqu’au jour où un groupe de petites filles essoufflées croise notre sépulture sylvestre.
L’une d’elles nous jette un caillou. « Arrête Sophie, tu es folle !
— Quoi, c’est des morts, qu’est-ce que ça peut faire ?
— Ils sont morts, tu crois ?
— Ben oui, ils sont tout ridés tu vois bien. »
Toutes poussèrent un délicieux cri en voyant Jérémi se redresser, grinçant et gémissant, extirpé de son rôle par le projectile.
— Qu’est-ce que vous faites là, les filles ?
— On...
— Arrête, lui réponds pas, c’est un fantôme !, redoute la plus petite.
— Mais non ; Sophie hausse les épaules : on joue aux princesses, qui s’enfuient du château.
— C’est notre père, le roi, qui veut nous marier à un affreux type, explique une rouquine.
— Ah... Je vois... » Jérémi observe un à un les petits visages, confondus entre terreur et curiosité, puis reprend :
« Et les archers du roi... Ils sont à votre poursuite, j’imagine ?
— Oui... Et toute son armée », précise une mignonne, tandis que secrètement, Jérémi extrait avec sang-froid trois flèches invisibles de son carquois imaginaire.
 
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Geoffroy Monde est magique depuis 2004 et a souvent été élu meilleur espoir. Il raconte tout ça dans des albums publiés aux éditions Lapin et sur son blog Saco : Pandemino. Des fois, il ment.
 
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